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[1] Toute personne a droit à l'éducation

Le droit à l’éducation est inscrit depuis 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il est considéré par l’UNESCO comme « un droit fondamental en soi et une des clefs de l’exercice des autres droits inhérents à la personne humaine ». Droit au recours et à l’expression, au travail et au loisir, à la propriété et à la circulation : ces droits sont virtuels sans droit à l’éducation.

Comment vivre en effet dignement, librement et de manière responsable – dans un monde de plus en plus complexe – sans pouvoir lire le journal, rédiger des lettres, connaître les lois, trouver un emploi, calculer ses impôts, discuter un bilan, voter en connaissance de cause, continuer d’apprendre ? Ces ressources sont indispensables dans et pour nos sociétés : question de paix et de prospérité. Elles le sont aussi et d’abord pour chaque citoyen scolarisé : question de justice et de solidarité.

Les pays pauvres s’efforcent de généraliser l’instruction. Les pays riches l’imposent depuis plus d’un siècle à tous leurs enfants, qu’ils soient ou non méritants. Si les savoirs et les compétences sont nécessaires à tous, ils ne sont pas à option, réservés aux élèves les mieux nés, instruits d’avance ou spontanément motivés. Comme le revenu minimum ou l’assurance de base, ils font la différence entre l’autonomie théorique et l’autonomie réelle, l’exclusion ou l’inclusion sociale, la soumission des personnes au pouvoir d’autrui ou leur participation informée aux décisions susceptibles de les concerner.

Le Manifeste se fonde sur le droit universel pour bien montrer que former tous les élèves au « métier de vivre » est un devoir de la société. Bien sûr, certains d'entre eux n’apprennent pas. Certains même ne veulent pas apprendre, ce qui rend difficile le travail d’enseignement. Faut-il donner raison aux enfants récalcitrants, ceux qui rêvent de s'évader, de ne plus étudier ? Faut-il les exclure de l'école qu’ils rejettent précisément, par défi ou par découragement ? C’est une drôle de façon d’être exigeant...

Nous nous opposons à ceux qui pensent que les enfants sont assez grands pour décider tout seuls s’ils veulent réussir ou non, ceux qui veulent refaire l'école en disant que « les chances sont égales » et qu’« il en va de la liberté et de la responsabilité de chacun de faire ce qui lui incombe ». C’est un contresens. Un manque d'ambition. Une vision théorique de l'égalité qui aboutit concrètement à l'exclusion des plus faibles et à une pédagogie résignée. Les élèves en difficulté n'ont pas besoin de mauvaises notes, de redoublements, de filières séparées : c'est de cela qu'ils souffrent, justement. Reléguer pour mieux former est une très fausse bonne idée : comment ferons-nous « monter le niveau » si nous prenons le problème pour la solution ?

À l’entrée dans l’école, les élèves ne sont pas égaux. Ils ne sont ni libres ni responsables. Ils sont sous la garde des enseignants. Même et surtout s’ils l’ignorent, ils ont besoin d’éducation, ce « droit fondamental », « clef de l’exercice des autres droits ». Dire qu’il faut faire le tri entre ceux qui peuvent apprendre ou pas, c’est pour l’école obligatoire pire qu’une contradiction : une démission. Le Manifeste exclut l’exclusion parce que le savoir est précieux et que les enfants ne sont pas des rois : ils ne décident pas avant d’être formés de leur droit d’être éduqués.

Former sans exclure, janvier 2006

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Déclaration universelle des droits de l’homme (adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948) – L’éducation est un droit universel – L’enseignement élémentaire est obligatoire – Seules les études supérieures sont fonction du mérite | html

Droit à l’éducation. Portée et mise en œuvre (UNESCO, 19 mai 2003) – Une tête bien faite, un esprit éclairé et actif – Les intérêts supérieurs de l’apprenant | pdf