Ecole : l'exigence n'est pas où l'on croit

A la Tribune de Genève, 11 septembre 2006
Olivier Maulini, Genève

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Plus la campagne avance, plus on voit que les solutions de ceux qui veulent " refaire l'école " n'en sont pas. Ils le disent eux-mêmes, montrant par là que l'exigence n'est pas toujours du côté où l'on croit.

Que faire, par exemple, quand un élève de sept ans ne sait pas (bien) lire ? ARLE propose simplement de lui faire refaire son année, y compris les heures de mathématiques, de géographie et de gymnastique dont il n'a pas l'utilité. Et lorsqu'on s'étonne de cette contradiction, qu'on se demande si un cours de lecture renforcé ne serait pas plus indiqué, que répondent à chaque fois les initiants ? Qu'un tel soutien serait idéal, mais qu'il est difficile à réaliser. Justement : c'est plus efficace, donc cela demande davantage d'efforts et d'inventivité.

Comme elle voit que sa méthode ne mène à rien, ARLE affirme que " le redoublement doit être une exception, réservée aux élèves qui rencontrent des difficultés dans plusieurs branches ". Autrement dit : soyez bon en arithmétique et mauvais en orthographe, vous ne referez pas l'année juste pour cela. La moyenne est suffisante ; elle nivelle par le bas... C'est parce que les Finlandais ne transigent pas, parce qu'ils se fixent des priorités et corrigent les lacunes sans délai qu'ils obtiennent au final les bons résultats que l'on sait. ARLE préfère laisser les retards s'accumuler, pour mieux se plaindre ensuite que trop de jeunes de 15 ans ne sachent pas accorder le participe passé.

Soyons juste : dans votre édition du 11 septembre, Mme Joyeux admet qu'un soutien rapide et ciblé sur les points faibles serait certainement bien plus indiqué. Mais elle regrette que " l'école n'en [ait] pas les moyens financiers ", ou alors que ce se soit " impossible à réaliser ". On voit mieux désormais où se cache le renoncement : nous pourrions nous rapprocher des écoles avancées, mais ARLE dit que c'est trop coûteux ou que les enseignants genevois n'en ont pas les capacités. " Qui ne peut ne peut ", résignons-nous donc, avec eux, à la médiocrité…

Je suis enseignant genevois, et je pense que l'ARLE s'est trompée : elle veut lutter contre l'ignorance en laissant les élèves les plus faibles sur le bas-côté. Cela fait quatre ans qu'elle accuse l'école d'avoir trahi sa mission, de tout faire sauf instruire, de regarder pousser les enfants en leur demandant chaque matin s'ils désirent apprendre ou non. C'est l'inverse, en vérité : faire doubler la première primaire, puis passer automatiquement de degré en degré jusqu'au cycle d'orientation, c'est tout ce que proposent les initiants comme mesures de remise à niveau ; la voilà, la vraie démission.

Des appuis mieux ciblés, des groupes de besoin, une évaluation qui aide à apprendre, pas juste à comprendre qu'on a échoué : ce n'est pas " impossible " puisque les écoles genevoises s'organisent peu à peu de cette façon. Elles le font dans un contexte social et politique particulièrement astreignant, qui rend leur travail d'autant plus complexe, et le soutien des parents plus difficile à obtenir que dans d'autres cantons. Elles auraient besoin de solides moyens et de la confiance de la population, pas d'un feu roulant de dénigrement donnant l'impression que l'enseignement du b-a-ba serait beaucoup plus simple et moins cher si au moins les maîtres acceptaient de rentrer dans le rang. Puisse cette campagne démontrer - avec l'aide d'ARLE s'il le faut - qu'à l'école, l'exigence est d'instruire, pas d'inscrire dans la loi une méthode surannée d'élimination.