A l'école, l'exigence est d'instruire, pas d'éliminer

A la rédaction du Matin, 30 août 2006
Isabelle et Olivier Maulini, Genève

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Alain Morisod a raison : l'école ne doit pas être un cocon, mais l'endroit où chacun des nos enfants apprend tout ce qu'il faut savoir pour entrer dans la vie, sous la conduite exigeante de ses enseignants. Lire, écrire et compter ne sont pas des jeux, mais le résultat d'un travail sérieux, régulier, dûment évalué. Trouver un emploi, mais aussi voter, lire le journal ou payer ses impôts demandent des compétences dont ne devrait être privé aucun jeune. " C'est le bon sens ", certainement. Nous en sommes convaincus, comme parents d'élèves et comme enseignants.

Pourquoi, en Finlande, l'école obtient-elle - mieux qu'à Genève - de tels résultats ? Parce qu'elle ne confond pas le moment de la compétition et celui de sa préparation. Le bon sens semble militer pour les mauvaises notes et le redoublement des plus faibles : en vérité, les systèmes les meilleurs et les plus tenaces les ont supprimés. Cela peut sembler étonnant, mais un raisonnement assez simple prouve qu'on ne peut faire monter le niveau qu'en votant 2 x NON.

Prenons la pire des compétitions : les concours de patinage ou de gymnastique aux Jeux Olympiques. Les athlètes sont notées pour que l'on puisse les classer : il n'y a que trois places sur le podium, évidemment. Mais que se passe-t-il pendant les quatre ans qui précèdent l'événement ? Les entraîneurs ne donnent aucune note, mais des consignes (" saute ! "), des conseils (" tends les bras ! "), des explications (" tu tournes trop tôt… ") et, pourquoi pas, quelques encouragements (" c'est bien, bravo ! "). À quoi sert donc un coach qui vous crie " six " ou " deux et demi " depuis le banc de touche au lieu d'être à vos côtés pour vous dire précisément ce qu'il faut corriger ? Il sert à préparer l'échec et le redoublement de fin d'année.

Monsieur Morisod montre très bien pourquoi le débat sur l'école est mal emmanché : il n'y a pas d'un côté le laxisme, de l'autre la sévérité ; il y a de fausses oppositions et, en face, la dure loi des faits. Les entraîneurs les plus stricts veulent pousser leurs poulains en avant : c'est pour cela qu'ils se passent de notation. " Les enfants en prendront plein la gueule plus tard, quand ils arriveront dans la vie sociale, où un employeur choisit toujours le meilleur ! " résument les initiants. Mais justement : qui est sélectionné, finalement ? Est-ce le jeune qui sait lire et compter (la patineuse qui sait patiner), ou celui qui ne sait rien, sauf qu'il a reçu force mauvaises notes tout au long de sa scolarité ?

Exclure au lieu de former est toujours une fausse bonne idée. Surtout à l'école obligatoire, qui doit être ambitieuse pour tous les élèves puisque le savoir n'est pas un luxe, mais une nécessité. Méfions-nous des comparaisons : à la Star Academy, il y a des notes et beaucoup d'éliminés ; si c'est ce résultat que nous voulons, ne nous plaignons pas ensuite du nombre d'illettrés ! Et si notre cœur penche plutôt pour de vraies exigences, plus de compétences, une meilleure préparation, alors il ne reste plus - c'est le bon sens - qu'à voter 2 x NON.