Pas de tutelle sur l'école !

La Tribune de Genève, 1er février 2006
Jean-Marc Hohl, Genève

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L’initiative d’Arle, le contreprojet de l’entente, sur lesquels nous nous prononcerons prochainement tentent tous deux, à leur manière, de jeter le discrédit sur l’école. Cette dernière semblerait tellement devenue laxiste, ingouvernable, à la solde des « pédagogistes » qu’elle aurait besoin d’être mise sous tutelle en la contraignant par la loi.

Certes, l’école n’a jamais été parfaite, loin s’en faut. Chaque génération a tenté de montrer ses insuffisances et de lui offrir remèdes à ses maux et, curieusement, souvent au moment des élections. Comment rendre l’école adéquate aux changements de la société si ce n’est dans un questionnement sur son fonctionnement et une adaptation permanente ? Or, ces évolutions n’ont jamais été des expériences de savants fous dans quelconques laboratoires, ni non plus l’œuvre de « pédagogistes » illuminés, voire hallucinés. Non, bien souvent ces initiatives ont été des tentatives de prendre en compte des réalités peu prévisibles et surtout en perpétuelle modification !

Arle tente d’occuper le terrain en niant ces changements, notamment par l’intermédiaire de son président, un enseignant primaire qui devrait être le mieux à même de comprendre cette réalité. Et bien non, au contraire, l’association pousse la désinformation au-delà de la raison ! Reprenons quelques-uns des points souvent traités dans la presse.

De vraies notes ou de fausses notes !

Croire qu’il peut y avoir de vraies notes ou de fausses notes relève d’une naïveté de béotien ! Qu’est-ce qui ressemble le plus à un 5 qu’un autre 5 ? De l’un ou de l’autre, lequel est le vrai, lequel est un leurre ? Bien malin, qui pourrait répondre.

C’est oublier simplement que l’important, c’est la façon dont on l’obtient.

Lorsqu’un enseignant construit une évaluation, c’est sur son contenu qu’il porte ses efforts. il lui importe de savoir quoi, comment et à quel moment il veut évaluer ce qu’il a effectivement enseigné. Par suite, les renseignements qu’il en tirera seront l’information à transmettre aux élèves pour réguler les apprentissages et aux parents pour les en informer. Le code utilisé ne sera que la traduction des atteintes des objectifs de l’évaluation ! Ce code ne peut en tout cas pas être vrai ou faux, il est tout simplement.

Les vraies notes sont issues de moyennes objectives !

Oh combien il est aisé d’additionner trois notes, 2,2,4, et de diviser par 3 pour obtenir 2,66, c’est-à-dire 3 à l’école primaire. La belle affaire ! Le calcul de la moyenne arithmétique est bien évidemment tout ce qu’il y a de plus objectif, mais informe bien peu sur les acquis réels de l’élève ; il peut avoir tout compris en fin de période alors qu’il avait d’immenses difficultés au début, à l’inverse, avec 4,2,2, l’élève démontre au contraire une diminution de ses prestations. Il s’agit dans ce cas-là de deux situations complètement différentes. L’éthique professionnelle exigerait de considérer ces deux cas différemment. A-t-on le droit objectivement de considérer que les deux élèves ont presque atteint les objectifs ? Le premier les atteint si l’on considère qualitativement sa dernière évaluation, alors que l’autre ne les atteint pas.

Une des injustices de l’école n’est-elle justement pas de faire payer ses erreurs d’un moment « éternellement » ?. En effet, dans ce cas, les difficultés que l’élève a rencontrées en début d’année lui sont comptabilisées non seulement lors du trimestre, mais également en fin d’année. Il n’y a donc aucune rémission de ses erreurs. Belle équité en vérité !

Les parents vont perdre un contrôle fiable !

Il ne nous suffit plus de savoir si une partie est gagnée ou perdue, on veut savoir le pourquoi et le comment.

Est-il important de savoir que la moyenne de la dernière étape du tour de Suisse était de 45 kilomètres par heure ? Pour impressionnante qu’elle soit pour un néophyte du vélo, elle ne dit pas si c’était une étape de plat ou de montagne. Pour une appréciation fine de la situation, il est nécessaire d’avoir des critères reconnaissables pour l’expliquer.

Ainsi, les parents sont amenés progressivement à comprendre et à analyser le travail de leur enfant au moyen des objectifs et des démarches qui les sous tendent : c’est le propre de l’évaluation qualitative.

Il est totalement faux, aberrant, voire malhonnête, de prétendre que les parents devront faire confiance au jugement professionnel de l’enseignant, sous entendu basé uniquement sur sa propre appréciation (« un jugement à vue de nez ?!). Derrière cette allégation toute gratuite, on cherche à insinuer que les parents n’auront plus aucun repère pour comprendre la situation de leur enfant. C’est faire fi de l’effort des enseignants pour spécifier les objectifs d’un travail et surtout pour en indiquer clairement le seuil de réussite. Ces informations figurent sur les en-têtes des tests ou activités bilan, mais également dans les travaux pris en considération (notés ou pas) pour établir le livret scolaire,.

Ces divers documents représentent les clés de compréhension de l’évaluation des apprentissages. Les élèves et les parents doivent les connaître, d’autant plus, que ces « évaluations » vont régulièrement à la maison pour signature.

Les parents les retrouveront au moment du livret scolaire ou lors des entretiens dans le dossier d’évaluation de leur enfant.

Des informations qui rétrécissent comme peau de chagrin

Encore une interprétation pour le moins hasardeuse des instructions officielles ! Certes, le nombre de carnets n’est plus que de trois au lieu des six auparavant, apparemment.

Arle omet de signaler qu’il est prévu d’autres moyens d’informations que le livret scolaire sous forme de rencontres avec les parents, au nombre de trois au moins (réunion de parents au début de l’année, entretien d’évaluation en cours d’année, rencontre en fin d’année, en dehors des remises du livret scolaire. Jusqu’à la prochaine réforme des mathématiques, 3 rencontres et 3 carnets font toujours 6 occasions d’informations aux familles et non pas trois !

A progression, progression ennemie !

Il est regrettable de constater qu’Arle, mais certains députés également, persistent à se focaliser sur la progression personnelle de l’élève alors que depuis 1993 !!!! on met en évidence la progression des élèves en fonction d’objectifs. Aujourd’hui, la progression est définie à partir des objectifs des activités de la période et par rapport aux objectifs du cycle, comme cela est inscrit dans le livret scolaire.

Par ailleurs, Arle ne semble toujours pas avoir compris, mais on le répète volontiers, que toute évaluation d’un enseignement repose sur des objectifs travaillés durant une période à partir du plan d’études clairement établi d’une part, et, d’autre part, par des attentes formulées par l’enseignant dans le seuil de réussite qu’il fixe, selon ce qu’il a enseigné à ses élèves. Prétendre que les programmes laissent libre choix la première année du cycle relève de la plus pure invention.

« Lutter contre l’échec scolaire, ce n’est pas le cacher »

Enfin une parole sensée ! Oui, ce n’est pas le cacher, mais c’est travailler à en éviter les effets désastreux, sans éliminer les élèves, comme le contre projet de l’entente s’apprête à vouloir le faire.