Rénovation : parlons de la recherche mais sérieusement

La Tribune de Genève, 11 juin 2005 | version pdf
Pierre-Alain Wassmer, Genève

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Dans son intervention (La paix scolaire est-elle (im) possible à Genève?), M. Truan affirme "qu'une étude du SRED - un service de l'Instruction publique - comparant deux volées d'élèves, l'une en rénovation, l'autre pas, indique de moins bons résultats des élèves issus de la rénovation". Il en conclut qu'il faut arrêter la rénovation.

Le Service de la recherche en éducation a publié en février 1999 un dossier sur la phase exploratoire de la rénovation de l'enseignement primaire genevois (Le changement: un long fleuve tranquille? Favre B., Nidegger C. et al., SRED, 1999) Que dit ce rapport?

L'étude présente, entre autres choses, différents résultats pour les écoles en rénovation (15 écoles à l'époque) et pour un échantillon des autres écoles. Des tests de compétences (qui ne sont pas des notes scolaires) ont été réalisés en 1995 et en 1997.

Des différences apparaissent en effet entre ces deux groupes, mais en faveur des écoles en rénovation en ce qui concerne "les notes annuelles en français et en mathématiques" (page 42). Les résultats sont inverses, avec une faible différence, si l'on regarde seulement les épreuves cantonales de français, ou si l'on compare le résultat des tests de compétences. Dans ce dernier cas, l'écart est statistiquement significatif seulement pour 3 domaines sur 8 (page 37).

Si l'on veut tirer des informations sérieuses de cette étude, il faut savoir que:

- l'étude n'est pas une évaluation de la rénovation, elle n'a jamais été conçue pour cela, et elle ne peut pas montrer quels sont "les résultats de la rénovation";

- l'étude a été faite tout au début de la rénovation, (la rénovation commence en 1995), pendant la période d'adaptation. Peut-on évaluer les résultats d'une telle entreprise seulement durant les seules deux premières années après son démarrage?

- les écarts entre les écoles en rénovation et les autres sont plus faibles que les écarts entre écoles d'un même type, ce qui signifie qu'il y a toujours des écarts entre les écoles, mais qu'il faut les analyser correctement pour comprendre d'où ils proviennent;

- si l'on désire comprendre ce qui se passe dans l'école, on ne peut pas lire seulement une phrase choisie dans un rapport réalisé il y a sept ans.

M. Truan parle de deux volées d'élèves, alors qu'il s'agit de la même volée questionnée à deux ans d'intervalle. Peut-être ne comprend-il pas le sens de cette recherche, mais l'utilisation d'une "petite phrase" tirée de la recherche révèle une méconnaissance du domaine ou alors une volonté de tordre les arguments dans un sens très particulier. Un peu de sérieux SVP.